le 18 novembre 2014
Ma Sœur,
Je prends la parole aujourd’hui au nom de toutes les
personnes qui vivent ici, qui travaillent ici, élèves, Personnel OGEC,
parents, enseignants, professionnels mais aussi bénévoles. A travers vous, je
m’adresse à toutes les sœurs de votre congrégation : je veux vous dire
merci.
L’institution StC est votre enfant. Un enfant qui
a grandi depuis l’ouverture d’un internat en 1865 destiné à éduquer des
orphelins, grâce à vous, à votre volonté patiente, constante et généreuse.
Un enfant attendu.
Cet enfant, comme tous les enfants est un projet de vie.
Celui-ci, aussi ambitieux que généreux, qui consiste à apprendre à des élèves de
milieux, d’expériences de vie, d’origines, de croyances si différentes, à vivre
ensemble et à s’enrichir de ces différences. Associer des enfants en très
grandes détresses à des enfants de familles stables, parvenir à leur faire
partager un goût de l’avenir et de réussir, humainement, socialement, fraternellement.
Un enfant désiré pour lequel vous avez imaginé un avenir,
des locaux, internat et externat,
aménagé un espace avec goût et sens pratique. Vous lui avez donné une famille
que vous avez élargie en y associant des laïcs partageant ce projet spirituel
d’éducation. Dès 1989, vous l’avez fait avec efficacité afin que cet enfant ne
manque de rien le jour où, vos forces diminuées, ce serait d’autres chrétiens
qui auraient à le porter au quotidien.
Cet enfant si fragile, vous l’avez fait naître, vous l’avez
fait grandir dans les meilleures conditions : au milieu d’un jardin
fleuri, au cœur de ce quartier parisien, en prenant soin que l’incapacité des
familles à supporter matériellement l’éducation ne soit pas motif d’exclusion.
Vous avez inventé un internat afin de protéger le grain qui lève.
Les esprits chagrins vous prophétisaient, année après année
la chute, la fin de votre vision qui pour eux était folie. Imaginez un peu, un
internat sans équivalent dans tout Paris : si cela était réaliste, d’autres, plus professionnels que des sœurs
dominicaines, l’auraient réalisé. Aujourd’hui, après nombre de difficultés
surmontées, cette folie est une réussite. « Où est le sage ? Où est
le docteur ? Où est le disputeur de ce siècle ? Dieu n'a-t-il pas convaincu
de folie la sagesse du
monde ? » Avec l’Internat de StC ensemble nous
avons donné raison à Saint Paul.
Nous : vous sœurs dominicaines, nous laïcs. Et vous nous
avez montré toutes les qualités et la beauté de cet enfant si fragile. Et nous
avons été enthousiasmés par ce que vous nous proposiez là. Et honorés de votre
confiance.
Nous avons adhéré à ce beau projet : Quel défi pour
notre société actuelle faite de communautarisme et d’égoïsmes consuméristes !
Un jour, vous nous l’avez confié, et nous avons accepté
cette mission sur vos pas comme un chemin de sainteté. Insensés que nous étions
pour nous lancer, à votre appel, dans ce projet d’amour de son prochain. Et,
tous ensemble, enfants, parents, enseignants, accompagnants, nous avons, comme vous, réussi. « On reproche à nos saints d’avoir été des insensés : oh, oui ! Ils
avaient perdu le sens ! Est-ce qu’on peut aimer sans être fou ? »
disait Lacordaire. Et ensemble nous avons donné raison à Lacordaire.
Soutenus par votre prière, nous, laïcs, avons fait de l’institution
StC un lieu d’accueil, humble mais efficace, où de nombreuses
familles trouvent un refuge, où elles peuvent confier leur enfant avec la
certitude qu’il sera encadré, instruit, enseigné, éduqué… aimé !
Un lieu où l’élève est aussi un enfant, qu’on met en
confiance, à qui on donne le goût du travail, de la coopération, de l’entraide.
Un lieu où on peut être riche ou pauvre, de toute couleur,
performant ou en difficulté, tous porteurs de compétences à partager !
Un lieu qui est au cœur d’un vaste réseau d’aide : les
CMPP de plusieurs quartiers, le service pédopsychiatrique de Necker, l’Aide
Sociale à l’Enfance de plusieurs départements, le Tribunal pour enfants, de
nombreuses orthophonistes et psychologues privés, le service des bourses de
Paris, en partenariat avec l’école St JD pour l’inclusion d’élève
handicapés.
Un lieu qu’on montre à la télévision (au 20h00 de la 2, dans
un vaste documentaire de TEVA), dans les journaux (Paris Notre Dame, Famille Education,
La Croix, Parents magazine, Enseignement Catholique Actualités… ).
Un lieu que connaît bien Anne Hidalgo, Maire de Paris, élue
de notre quartier et qu’elle doit visiter prochainement.
Un lieu qui montre
que l’Evangile peut être vécu dans la vraie vie d’aujourd’hui, et qui en
témoigne chaque jour.
C’est ce lieu que vous avez mis au monde. C’est vous qui
l’avez imaginé et qui nous avez permis de le faire grandir. Et pour ça, nous
vous en remercions.
A présent, vous venez nous annoncer la naissance d’un
nouveau projet, d’un nouveau-né… et nous nous réjouissons ! La famille s’agrandit,
quelle joie !
Vous nous dites que cet enfant va être magnifique. Soyez
certaines que nous sommes à vos côtés.
Mais, une rumeur malveillante court, abominable, elle nous
effraie, nous assassine.
Pour l’arrivée de ce nouvel enfant, il faudrait noyer l’aîné ?
L’amputer d’un organe vital, son internat… ce qui revient au même pour tous
ceux qui connaissent l’institution StC ! Donner raison aux malintentionnés qui dénigrent
l’enseignement catholique.
Pourquoi ?
Pourquoi tuer le premier né pour installer le second ?
La vie appelle la vie elle ne la révoque pas.
La communauté tout entière de StC veut continuer à
porter cette vie-là. Se battre pour vous aider à trouver des solutions si vous en
avez besoin.
S’il-vous-plait, Sœur X, laissez-le vivre ! Permettez-nous
de continuer à aimer cet enfant de l’amour. Il est si beau, si plein de vie et d’énergie !
N’ayons pas peur ! Laissons-nous le temps de construire l’avenir ensemble !
Merci.
Mistinguette,
enseignante en CP,
Pour l’institution
StC
PS, Ami Lecteur :
Ce texte a été accueilli mardi dernier avec grande émotion par tous, enseignants, surveillants/animateurs, Sœurs et DDEC.
Quelques précisions :
Le nouveau projet qui est évoqué en fin de texte n'est finalement que la nécessaire restauration de la maison des Sœurs, au fond du jardin : elles vont en faire des appartements inter-âges, dans lesquels pourront loger une sœur âgée, un jeune travailleur, une famille monoparentale... C'est intelligent.
L'organisation et les frais de gestion sont pris en charge par une association de laïcs. Il ne s'agit donc pas de lâcher le projet internat pour en bâtir un autre... ce qui est en soit rassurant : notre travail est reconnu et c'est avec déchirement que la Communauté, contraintes par le grand âge d'une majorité d'entre elles et la recherche effrénée de fonds qui leur permettrait de finir leur vie décemment, se résignent à vendre...
Prochain épisode : le récit de la réunion parents/congrégation/DDEC qui a eu lieu vendredi dernier.