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mercredi 15 octobre 2014

Où on pourra lire un article que j'aurais pu écrire si j'avais été suffisamment énervée...

Ami Lecteur, je viens de lire un article parfait, qui aurait pu sortir de ma plume à moi personnelle.
De là à dire que j'écris des articles parfaits, il n'y a qu'un pas.
Je te laisse le franchir : ça ne me regarde pas !

Quoi qu'il en soit, le voici cet article. En tous cas, le début, pour allécher le chaland (donc, toi, si tu suis bien). La suite, tu peux la lire en cliquant sur le lien, ce qui te permettra, en sus (nan c'est pas grossier !) de découvrir le blog de son auteur par la même occasion.

Voilà :

Je suis prof, et (je) ça vous emmerde.

Hier, quelqu’un m’a dit « Encore en vacances ? Mais tu travailles jamais ! ».
Dans ton imaginaire, j’ai probablement les joues roses et l’œil alerte, je sautille d’élève en élève pour leur expliquer en comptines les règles difficiles et je dors du sommeil de la bienheureuse, fière du métier accompli et comblée par mes nombreux loisirs : cuisine, guitare, peinture sur verre et scrapbooking. Alors, cher quelqu’un, sache que mes dix dernières semaines travaillées 50 heures chacune, seule devant mon ordinateur, devant mes élèves ou devant mes cahiers, ne me laissent même pas l’énergie de faire ma lessive. Je suis crade, j’ai des cernes et je suis proche du coma par épuisement. Et pendant ce temps, mes élèves continuent de sautiller, sans fin.

Hier, quelqu’un m’a dit « T’as de la chance quand même, à 4 heures tu as fini ta journée ».
Dans ton imaginaire, j’ai probablement une armée de petits elfes qui vient le soir à l’école imprimer mes exercices et corriger mes copies, ce qui me permet de manger mon choco BN trempé dans du lait, tranquillement installée sur mon canapé pour le goûter. Alors, cher quelqu’un, sache que pour moi, à 4 heures la journée commence réellement et le plus dur est devant moi. Plusieurs heures de travail fastidieuses, les yeux plissés sur les lignes bleues des cahiers pour ne surtout pas laisser passer la moindre faute, synonyme d’une réaction immédiate d’un parent mécontent, prof indigne que je suis. Et pendant ce temps, mes élèves continuent de coller leurs feuilles à l’envers et d’écrire octobre sans r.

Hier, quelqu’un m’a dit « Oui, enfin bon, l’addition posée c’est pas bien compliqué ».
Dans ton imaginaire, la tâche la plus ardue de mon travail consiste...

(et en plus y'a une chouette chanson !)
:o)

dimanche 5 octobre 2014

Chiche !

Ami Lecteur, cette année, mon challenge, c'est Nat.
Nat qu'on avait déjà en CP l'an passé.
Qui a terminé l'année dans des conditions très difficiles.
Que sa mère espérait récupérer à la maison. Le jugement rendu en a décidé autrement : pour que la mère puisse se reconstruire paisiblement, pour que l'enfant trouve des repères stables, il est préférable qu'il reste en internat, dans notre école.
Nat qui a tant de mal avec la contrainte, avec le travail, avec l'idée d'être en échec.
Nat, un charmant petit blond, qui vocifère, tape et crache sur les adultes...

Et pourtant, la semaine dernière, vendredi, deux petites victoires qui m'ont parues énormes après les luttes de la semaine passée.

1er épisode : Sim, assis face à Nat en classe, pleure ; Nat a gribouillé son cahier, qu'il tient avec tant de soin.
J'attrape Nat. Nous négocions beaucoup avec cet enfant, pour qu'il accepte de se mettre au travail, pour qu'il ne perturbe pas le groupe, pour qu'il gère ses émotions, pour qu'il accepte le cadre...
Mais certaines choses sont non négociables. Saboter le travail d'un autre en est une.
Je l'attrape donc, par le bras et l'entraine rapidement devant la porte extérieure de la classe, lui signifiant vertement qu'il vient de faire une chose inacceptable et que, de ce fait, il ne peut pour l'instant pas rester dans le groupe. Je sais que je prends le risque d'une crise de fureur incontrôlable.

Je reprends la classe avec les autres.
Du coin de l'œil, je vois Nat attraper son cartable rangé près des porte-manteaux et commencer à mettre les affaires de son casier dedans.
Je viens vers lui et lui signifie mon désaccord : il doit rester dans la classe jusqu'à ce qu'il soit capable de regagner le groupe et de se mettre au travail.
Il fulmine, et me dit que non, il va partir !
Toujours du coin de l'œil, je le vois ouvrir la porte, son cartable sur le dos. Je le rejoins :
- Tu veux partir Nat ? Très bien, vas-y ! De l'autre côté du jardin, il y a Madirlo : va lui dire pourquoi tu fais pleurer Sim, pourquoi tu sabotes son travail, pourquoi tu empêches la classe de travailler ! va !
Ou bien, tu as le choix : reviens en classe, et mets-toi au travail comme les autres !
- Ca, jamais !
- Je ne veux rien entendre, je ne m'occupe plus de toi : c'est toi qui choisis. Tu pars, ou tu rentres et tu travailles.

Je reprends la classe. On avance. Je regarde par le fenêtre mon Nat, son cartable sur le dos, face au jardin, fulminant mais toujours là. Indécis. Ce qui est excellent : il réfléchit ! Il pèse le pour et le contre.
Cinq minutes plus tard, il pose discrètement son cartable et regagne sa place. Certes, il fait du bruit, annonce haut et fort qu'il veut travailler, exige que l'AVS ne s'occupe que de lui... mais il se met au travail !
Aaaaaaaaaaaaaaah ! Que c'est bon !

2nd épisode : Fin de journée. J'apprends au moment de faire sortir les élèves qu'Ant a échangé quatre cartes Poketruc avec Nat, contre une magnifique petite voiture.
Sache, Ami Lecteur, que pour éviter les drames, et principalement parce que les drames sont la plupart du temps générés par Nat, nous avons interdit tout don ou échange : on a le droit de venir avec UN petit jouet de la maison, ou 5 billes, ou 5 cartes et on repart avec les mêmes le soir. Si on joue aux billes, et qu'on gagne, on redonne sa bille à son copain. C'est pour du beurre.
Aïe ! Redrame en perspective !

Je prends donc les deux enfants en face de moi, et je leur rappelle la règle...
- Mais je les ai échangées les cartes d'Ant ! rétorque Nat, quand je propose de faire la démarche inverse.
- Tant pis : tu vas choisir parmi les 7 (7 ???) cartes que tu as en main les cinq que tu vas rendre à Ant et lui va te rendre ta voiture.
- Mais alors... j'en aurai presque plus ! J'en aurai que 3, cartes !!! Non, non, non, j'veux pas !
- Ecoute, Nat, soit on refait l'échange, tu choisis 4 cartes, et tu récupères ta voiture, soit je prends tout et tu n'as plus de cartes du tout !
- NON !
Hop, je prends les cartes, la voiture, et je vais à la porte du hall gérer les sorties : Bonjour Madame ! Vous venez chercher qui ?

Nat et furieux. Il pleure sur le banc. Il finit par se lever, vient jusqu'à moi et commence mollement à me taper pieds et poings.
Je le prends par la main et l'emmène à nouveau discuter sur le banc, un peu plus loin :
- Nat ! Tu as le droit d'être en colère, tu as le droit d'être déçu et malheureux, mais tu n'as pas le droit de me taper ! Alors, tu veux les récupérer, tes cartes et ta voiture ? Oui ?
- Oui ! Dit-il en pleurant.
- Alors regarde, on va choisir ensemble celles que tu vas rendre à Ant, d'accord ?
- D'accord.
ET IL LE FAIT ! Il choisit 4 cartes, les donne à Ant, et je lui rends sa voiture.
- En plus, elle est magnifique cette voiture ! Quelle chance tu as de l'avoir !!!
- C'est Maman qui me l'a donnée à mon anniversaire !
- Chouette ! Je suis bien contente pour toi, et je suis fière parce que tu as réussi à dompter ta colère !
Aaaaaaaaaaaaaaaah !

Deux petites victoires dans un champ de bataille sans fin, mais KESKE CA FAIT DU BIEN !